Hier soir, et sur votre recommandation, j’ai relu attentivement l’extrait de mon texte, Autour de la disparition de Jacques Stephen Alexis. Il ne me parait toujours ne comporter qu’un trou. Et dû, de toute évidence, à l’optique synthétique qui a présidé à sa rédaction. Trou, en tout cas, que, par une note de pied de page, je me proposais de combler dans la publication intégrale de mon texte : Une appréciation exacte du témoin principal de Sarner.
Son livre, La passe du vent, notez-le, parait aux éditions Payot et Rivages en 1994. Et celui de Diederich, en ce qui à trait à la traduction française (qui semble avoir précédé l’original, paru en 2011) aux éditions Antillia en 2005. Donc quelques 11 ans avant Le prix du sang.
Une chose m’a toujours frappé d’étonnement: La précision incroyable de son informateur. Lequel pourtant tenait ses dires de seconde main : d’un ami, déclare-t-il, à Sarner, le télégraphiste du môle, qui, comme beaucoup d’autres, avait été invité à venir voir la « marchandise » que les « envahisseurs »avaient transportée avec eux : “un revolver (…) plus une cartouchière…les livres et vingt mille dollars”
Or, ne voila-t-il pas que les deux documents décisifs exhumés par Diederich (lesquels se trouvaient, affirme-t-il, en possession d’Andrée Roumer, veuve de J.S.A), aussi bien celui qui porte la signature d’Edouard Guilliod que celui comportant l’écriture même de Jacques Stephen Alexis, et soussigné de lui, nous mettent singulièrement sous les yeux, et à peu de chose près, exactement les mêmes données. Jugez donc par vous-même!
Un pistolet et une cartouchière (témoin de Sarner)
Un pistolet et trois chargeurs.(Guilliod)
20.000 dollars (témoin de Sarner)
13.000 dollars et 53 gourdes (document Alexis). Une différence de 7000 dollars dans un témoignage médiatisé, et pour une histoire qui, au moment où s’accomplissait celui-ci, remontait à plus d’une trentaine d’années, est, croyez un homme qui s’est déjà tapé, et par devoir, une enquête entière (celle de L’Impartial sur l’affaire Coicou) chose non seulement attendue mais des plus acceptables.
Donc pas de fable, madame. N’est-ce pas inouï? merveilleux, hein ?
Ces documents, des faux ?
Sachant apprécier l’authenticité d’un document officiel (non d’un discours officiel, deux choses différentes, car, sous peine d’anomie, une administration se doit avant tout à elle-même, un compte précis et rigoureux des faits) il ne m’était aucunement venu à l’esprit, dans mon texte, de discuter de leur valeur. Mais peut-être, avez-vous raison, qu’un impératif didactique ou de clarté nette aurait dû m’attacher à le faire.
Si un quelconque souci de falsification eût présidé tant soit peu à la production de tels décisifs documents, pour bien souligner alors ce dessein ferme de guérilla qu’on n’avait point manqué ouvertement d’attribuer aux prisonniers, qui aurait eu intérêt, pour l’Histoire, oui, qui n’aurait point fait montre d’hésitation aucune, à les gonfler prodigieusement aussi bien en possession d’armes qu’en avoir numéraire, oui qui, sinon ceux qui s’apprêtaient froidement à les exécuter ? Au lieu d’avoir un pistolet, nous aurions eu mille carabines et même ubuesquement pourquoi pas, un Howitzer. Et, au lieu, d’avoir 13.000 dollars, nous aurions peut-être 5.000. 000 de dollars. Réfléchissons un peu et efforçons-nous tranquillement à apprécier aussi bien leur contenu que leur implication décisive dans la saisie de cette horrible histoire. Avec eux, plus de contes. Plus de fables. Plus de racontars! Délaissant le terrain paresseux, suranné et préhistorique de la légende, ces faits font leur entrée bruyante et décisive dans l’Histoire!
Oui, distance toujours, madame, distance et sens critiques !
Bien à vous.
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