Qui a dit Marasa d’A20?

Ah! Marasa d’A20, quel livre!… Je le dépose, le reprends, relis pour la n-ième fois la phrase finale: “Demain c’était dimanche. Il ne me restait plus que l’idée de l’autre femme qui viendrait. Etais-je sûr d’avoir les réponses de son corps?” et je demeure rêveur! Mon premier réflexe quand j’aime beaucoup un livre – réflexe enfantin, j’en conviens- c’est de m’assurer si mon enthousiasme est partagé par d’autres lecteurs, et surtout si les mots précis dont ils font usage pour le traduire, rencontrant par quelque côté et heureusement les miens, ont la vertu donc de me justifier. Aussi vais-je directement sur Google et tape résolument Marasa/A20. Ce qui remonte? Pas grand chose et, tout comme pour Le vin d’une prose d’écolier de Paul Harry Laurent, une semaine plus tôt, me voilà complètement déboussolé. Un tantinet amer: Mâtin! Aurait-on laissé passer ça, sans le saluer! Avec les honneurs qu’il mérite! Avec les bans dus à son rang! À quoi donc s’occupe vraiment notre critique littéraire? Et je me suis souvenu qu’il s’agit quand même de notre douloureuse et étonnante Haïti. Que tout ce qui s’écrivait, par ailleurs, n’arrivait pas forcément sur le net. Et je me suis promis de m’enquérir de ça. De m’en enquérir sérieusement afin de vous en parler. De vous en rendre soigneusement compte. Obnubilé, je prends mon téléphone et j’appelle sur le champ A20. Pour le féliciter un peu tardivement, je l’avoue, de ce magnifique produit, mais aussi dans le but de lui demander, ce qui l’a quelque peu surpris, j’imagine, de m’accorder une interview à son sujet. Fait qu’il a heureusement accueilli (Hum!.. Adye frè!… Ça va barder bientôt de ce côté, je vous le garantis!). Dans l’intervalle, et pour ne pas démordre, comme on dit, que faire? Préparer le terrain? Permettez-moi alors de partager avec vous,  sous la forme d’une recension simple sans plus, mes notes sur ce beau et authentique livre!

La trame ou les trames du livre.

Le roman est construit sur l’alternance continuelle de deux plans. Lesquels mettent en action deux personnages distincts? Non, assurément le même protagoniste: les deux sont des intellectuels vivant aux États-Unis, les deux sont originaires de la province (de l’Artibonite plus précisément). Les deux semblent traîner un mal de vivre incurable. Insupportable. Ils sont tous deux en visite à Port-au-Prince et ce, peu après la tragédie du World Trade Center. En outre, ils se plaisent tous deux à faire constamment référence à un même personnage avisé, sorte d’augure familier, tenu hors champ, pour ainsi dire, et non circonstancié: Marie Louise. Donc, pas de doute, à nos yeux, les deux sont le même homme, le même égotiste héros. Le premier plan (en caractère romain) prend place dans une chambre d’hôtel de la ville, un jour de samedi : le héros, à qui il ne reste qu’un jour à passer, se trouve en compagnie d’une personne assez spéciale: une prostituée dotée d’une lucidité enviable, d’une pénétration  sans pareille du cœur humain, et qui, en lieu et place du plaisir monnayé attendu d’elle, entreprend étonnamment de dresser de sa personne un portrait psychologique vrai et sans flatterie. Le temps utilisé: le temps passé.

Que fait-il dans cet hôtel d’abord et en compagnie de cette prostituée surtout, se demande-t-on[après coup]? Nous ne le savons pas trop. À en croire la prostituée (p.76) il y aurait eu rendez-vous avec une femme qui l’avait tout bonnement plaqué: “le souvenir d’un soir où tu étais plaqué dans une chambre d’hôtel par une autre femme”…. Mais tout laisse croire, en fait, qu’il n’est peut-être là que dans l’attente d’une autre femme. Ce qu’il déclare, en tout cas, à la fin du livre(p220).

Et en compagnie de cette prostituée, surtout? Là, non plus, rien ne semble évident. Il laisse croire (p.83) qu’elle lui a été envoyée par ses amis Deddy et Luc: n’était-ce pas un piège que Deddy et Luc m’avaient tendu en me l’envoyant?” Alors qu’au tout début du livre on aurait pu croire qu’il était présent lors de son engagement: p.15…“Quand Luc a touché son pénil, j’étais visiblement perturbé…”. D’autres circonstances pointent encore pour le même fait: p.213. “Il y a eu toi et une femme qu’on t’a amenée généreusement dans ta chambre.

Contradictions ou non, palinodies ou non, l’essentiel est qu’il s’y trouve un peu naïvement intimidé se demandant s’il va finir  ou non par faire l’amour à cette femme, laquelle ne lui cache point qu’il n’est nullement son type d’homme. Qu’il n’a point réponses aux questions de son corps. Il est bronchitique. Mal dans sa peau. Atteint de complexe d’infériorité. Plus tête que corps, j’oserais dire et à l’envers de l’érotisme, toute la relation va consister en un interminable dialogue marqué au sceau de la franchise et ayant pour objet le corps, ses exigences et ses langages.

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