Autour de Romancero aux étoiles

La fable de Tatez’o-Flando C’est le conte chanté assurément le plus frissonnant de notre folklore. C’est l’histoire de cette femme mariée à un homme dont elle ne connaissait point le nom et avec qui pourtant elle n’eut pas moins de trois enfants. Selon la prophétie, ce nom une fois connu et prononcé par son épouse, ne manquerait nullement de faire périr l’homme, le voir éclater comme une bombe. Poussé par on ne sait quelle insondable fatalité, on ne verra pas moins cet être étrange sommer chaque soir sa femme de l’appeler par son propre nom. Et recevoir une dérouillée en règle pour cette ignorance dont elle n’arrivait aucunement à se déprendre. Cela dura jusqu’au jour où par son plus jeune fils, elle le sut en définitive. Et ce qui devait arriver arriva : il éclata telle une bombe ! Tatez’o-Flando, Tatez’o-Flando Papa m’ rele Tatez’o-Flando Le jou madanm li ta vin konnen non l’…… Ne faites pas attention, cher. C’est le refrain de cette fable qui me joue de pendables tours. Difficile, en effet, de me contraindre à ne pas le fredonner chaque fois qu’il est question du mystérieux drame qu’elle renferme. Vous en souvenez-vous, au moins ? La morale proposée ici de cette histoire ? C’est à son conteur, le Vieux Vent Caraïbe que nous la devons: « (…) chacun vit, souffre et meurt de son secret et tout votre malheur vient de ce que nul ne fait l’effort de comprendre et de soulager l’autre. »

Chronique d’un faux amour Voila assurément le texte le plus long du recueil. Comme le laisse croire Léon François Hoffman, dans son article Tradition et originalité dans Chronique d’un faux amour de Jacques Stephen Alexis, cette histoire est-elle un écho retouché de celle survenue en 1910 dans une famille port-au-princienne encore honorablement connue (l’histoire de Mlle M. zombi retrouvé et que la rumeur donnait pour terminer ses jours dans un couvent en France), et rapportée dubitativement par Jean Price-Mars dans son Ainsi parla l’oncle ? Le lieu donné par la rumeur pour avoir accueilli la soi-disant défunte, exceptée, Price Mars, qui en fait vaguement mention, ne nous a fourni aucun détail tangible qui nous permette de fermement l’attester. C’est l’histoire, en tout cas, racontée à la première personne, d’une jeune fille de la haute société zombifiée le jour de ses noces par l’oncle de son fiancé. Retrouvée des années plus tard devant le cadavre de celui-ci, elle sera envoyée dans un couvent en Anjou pour y terminer ses jours cependant qu’elle ne vit que dans l’attente d’être arrachée de ce monde clos de dévotion et de mortification (donc, de faux amour) par son époux. Ouvrons, par simple curiosité, une fois de plus notre nécessaire manuel. Que nous dit-il de bien compréhensible? « La chronique d’un faux amour raconte l’histoire d’une pauvre fille que l’amour a rendue folle et que l’on a enfermée dans un carmel. Mais en son cœur survit la flamme amoureuse et l’espoir de retrouver celui qu’elle aime. » Aucune trace, c’est curieux, de cette zombification dont parle pourtant, vous le verrez, minutieusement la jeune fille. Est-ce parce qu’ils croient dur comme fer, nos auteurs, que cet épisode patiemment narré, ferait lui aussi partie de ses fantasmes, de ses délires de folle ? Nous trouvons la même lecture, mais un peu moins tranchée, c’est évident, également chez Léon François Hoffman : Chronique d’un faux amour, nous dit-il, est placé sous le signe de la dualité. De la dualité et de l’ambiguïté. Car enfin, nous ne sommes jamais sûrs de savoir si l’aventure de la femme a vraiment eu lieu, ou bien s’il ne s’agit que de l’invention d’un esprit malade. [Léon François Hoffmann, “Tradition et originalité dans Chronique d’un faux amour de Jacques Stéphen Alexis. Collectif paroles, no 32, 1985] Que peut, diantre, dîtes-moi, vouloir bien dire tout cela ? L’aventure de la jeune fille, croyez-le, a indubitablement eu lieu, et ce, dans la vérité intrinsèque du récit, je veux dire, c’est pourquoi il fait partie de ce recueil placé sous le signe absolu du merveilleux. Ecrit par un auteur qui ne croyait aucunement en la zombification. Pour qui les racontars y ayant trait n’étaient rien d’autre qu’histoires à dormir debout, qu’histoires fantastiques. On fait peu de cas de l’ensemble où s’insère l’œuvre, peu de cas également des paroles introductives du conteur, et on ose même faire fi des tendances esthétiques de l’auteur ! Encore un autre conte dont nous aurons certainement à reparler.

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